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La scène est un plaisir incomparable...

Numéro 3, mars 2001

Ce fils d’immigrés arméniens aura mis vingt ans pour gravir une à une les marches du succès. Depuis Aznavour est devenu le chantre de la chanson romantique à travers le monde. Aujourd’hui, à plus de 70 ans, il est un des classiques de la chanson française voire internationale.

Charles Aznavour (Varenagh Aznavourian) est né à Paris, le 22 mai 1924. En effet, ses parents, après avoir dû fuir la Turquie en 1915, à cause du génocide dont étaient victimes les Arméniens, attendaient en France un visa en vue d’un départ pour les Etats-Unis. «Mais ils se sont tellement plu à Paris, ils ont adopté si vite le mode de vie des Français, qu’ils n’ont plus voulu partir lorsque l’autorisation américaine est arrivée».

Son père, Micha, arménien né en Géorgie, le fils d’un ancien cuisinier du Tsar Nicolas II, et sa mère Knar qui est issue d’une famille de commerçants arméniens de Turquie, ouvrent un petit restaurant arménien à Paris. Ils élèvent leurs deux enfants, Charles et sa sœur aînée, Aïda, dans une atmosphère de musique et de théâtre. «Dans mon enfance le spectacle et le restaurant était déjà une affaire de famille. Mon grand-père avait un restaurant russe, mon père aussi, rue de la Huchette, à Paris. Il était chanteur baryton, ma mère était actrice et je les regardais jouer et chanter dans des spectacles arméniens, russes, dans des bals. J’ai moi-même commencé à jouer au théâtre à l’âge de neuf ans...»

En 1933, les parents de Charles inscrivent leur fils, qui rêve de devenir acteur, à l’école du Spectacle. Il a 11 ans lors de son premier engagement au théâtre du Petit-Monde et joue divers rôles d’enfants au théâtre Marigny, à la Madeleine et à Odéon.

En 1939 Charles quitte l’école du spectacle pour travailler.

Vendeur de journaux pendant la guerre, il fréquente le Club de la chanson où il se lie d’amitié avec compositeur Pierre Roche.

En 1946, il est remarqué par Edith Piaf qui va ouvrir au duo les portes de l’Amérique. Cette même année, Charles Aznavour épouse Micheline et l’année suivante naît sa fille Séda. À la fin des années 40, le duo Aznavour-Roche s’envole pour les États-Unis puis pour Montréal où il reste à l’affiche pendant des mois.

En 52, Aznavour rentre seul en France. Il commence alors à chanter en solo, mais sans succès. Les critiques à son égard sont sévères : «Avoir la prétention, avec un tel physique et une telle voix, de se présenter devant un public est une pure folie… de la part de cet artiste, cela prouve une totale inconscience». En revanche, il se fait un nom comme compositeur. Cette même année, naît son deuxième enfant, Charles.

1956 est marqué par son remariage avec Evelyne Plessis et la naissance de Patrick. À cette époque Charles Aznavour devient un «nom» indispensable de la chanson française et il crée les titres «Sur ma vie», «Parce que» ou encore «Après l’amour». En 1962 il décide d’aller chanter à l’étranger. «Je suis très dépensier, mais là, j’avais mis de l’argent de côté, pour louer des salles. Mon imprésario me disait : «Mais personne ne te demande à New York.» J’ai loué le Carnegie Hall, mis 150 journalistes dans un avion privé et fait salle comble: 3 400 places... Je ne parlais pas anglais, j’avais installé un pupitre et je lisais mes textes. Les Américains ont trouvé ça follement naturel... Plus tard, j’ai appris l’anglais et, dans tous les pays où je me produis, je chante une bonne part de mes chansons dans la langue du pays: plus de la moitié aux États-Unis, en Italie, en Amérique latine ou en Espagne».

Aznavour est l’un des très rares artistes français, avec Yves Montand et Marcel Marceau, par exemple, qui soient admis aux États-Unis et qui y trouvent un public. La majorité de ses chansons est traduite en plusieurs langues, y compris l’anglais bien sûr. Mais il reste fidèle à la langue française. Hélas, il faut reconnaître, que c’est de plus Aznavour lui-même qu’on reçoit à l’étranger plutôt que la chanson française proprement dite. «C’est vrai que l’audience de la langue française dans le monde a déclin . Mais il apparaît que depuis quelques années l’élite intellectuelle étrangère s’intéresse de nouveau à notre langue. Il me semble très important d’honorer les invitations de l’Alliance Française, car c’est là que se retrouvent les étrangers passionnés de langue et de culture françaises».

Sa carrière cinématographique prend parallèlement son envol. Charles apparaît au cinéma alors qu’il est déjà très connu dans le monde de la chanson. En 1958, il tourne Les dragueurs de Jean-Pierre Mocky mais son premier grand rôle est celui du fou de La tête contre les murs, de Georges Franju pour lequel il reçoit le prix d’interprétation masculine du cinéma français. François Truffaut fait appel à lui en 1960 pour Tirez pas sur le pianiste.

Dans le choix des rôles c’est le script qui le détermine. «Comme disait Jean Gabin, dans un film il y a trois choses importantes, l’histoire, l’histoire et l’histoire. Avec certains réalisateurs, j’ai noué des liens d’amitié . Avec Truffaut, par exemple. La première fois qu’il est venu me voir, nous ne nous sommes presque rien dit. Il était timide, moi aussi. C’était un bon début».

La critique est enthousiaste et Aznavour commence alors un véritable tour du monde qui va durer plusieurs années. Turquie, Liban, Grèce, Afrique noire, URSS, Charles Aznavour devient une star internationale et vend des millions d’exemplaires de ses disques, entre autres de «La Mamma», un véritable tube. «Si je savais comment faire un tube, j’en ferais toutes les dix minutes... Non, sérieusement, c’est toujours inexplicable. Ce texte de la Mamma, on me le déconseillait, certains le trouvaient «pompier». Je n’ai jamais travaillé pour vendre des disques, mais pour chanter sur scène. C’est mon vrai métier».

Durant l’été 1965, il tourne Paris au mois d’Août, et à la fin de l’année, il monte sa comédie musicale Monsieur Carnaval dont est tirée la chanson «La bohème» qui restera un de ses titres-phares.

Au début des années 70, il s’installe aux États-Unis. Cette nouvelle décennie est marquée par son intérêt pour les faits de société‚ telles les chansons «Le temps des loups» en 1970 sur le thème de la violence, «Mourir d’aimer» en 1971 inspiré d’un fait divers décrit dans le film du même nom ou encore «Comme ils disent».

Au mois de mai de 1972 naît son fils Misha. À la fin de la même année, un accident de ski immobilise Charles Aznavour pendant plusieurs mois. Il en profite pour écrire avec son beau-frère, le compositeur Georges Garvarentz, l’opérette «Douchka».

A la fin de 1988, le terrible tremblement de terre de Erevan en Arménie (50.000 morts), mobilise l’artiste qui va mener un combat ininterrompu depuis pour aider sa terre d’origine. Il crée à cette occasion la Fondation «Aznavour pour l’Arménie» qui se charge de collecter et d’envoyer vêtements et nourriture pour la population. Au début de l’année 1989, avec le réalisateur Henri Verneuil, il fait appel aux artistes français pour le tournage d’un clip, quatre-vingt-dix chanteurs et comédiens enregistrent alors la chanson «Pour toi Arménie» qui se vend à un million d’exemplaires.

Suite à cette opération, Charles Aznavour est nommé par l’Unesco Ambassadeur permanent en Arménie. «J’ai vraiment découvert l’Arménie pour la première fois en 1963, au cours d’une tournée en URSS. Je connaissais l’histoire du génocide, mais je n’ai jamais été un militant. Je suis d’accord pour commémorer, mais défiler dans une rue, ce n’est pas mon genre. C’est après le tremblement de terre et les massacres du Haut-Karabakh que je me suis vraiment senti concerné. Aujourd’hui, l’Arménie est libre, c’est une chose à laquelle je n’avais même jamais songé».

En 1992, Charles Aznavour rachète le catalogue de la société d’édition phonographique Raoul Breton dont il devient le président. Ce catalogue est un des plus riches de France et comprend entre autres les œuvres d’Edith Piaf et de Charles Trenet.

La reconnaissance officielle se fait montrer en 1997, lorsque le Président de la République, Jacques Chirac, le nomme Officier de la Légion d’honneur.

Enfin, Aznavour sort un nouvel album «Plus bleu» du nom d’une chanson qu’il a écrite en 1951 pour Edith Piaf. Dès lors, en ouverture de chaque spectacle il offre au public Plus bleu que tes yeux, un duo virtuel avec Edith Piaf, qui est enregistré. «Cette chanson souligne son importance pour moi, mais surtout, elle est réclamée par le public. Ce duo avec Piaf, tout le monde me demande de le chanter sur scène, alors que c’est impossible, pour une raison très simple: c’est Edith qui n’a pas voulu venir». Ennuis de santé, accident de voiture, Charles Aznavour décide de mettre un frein à ses tournées voire à y mettre fin. C’est ainsi qu’il annonce ses adieux. En novembre 1999, il donne ses derniers concerts au Québec avec, comme d’habitude, un immense succès. Dans la foulée, il annonce ses derniers concerts parisiens pour octobre 2000. Mais environ 180 concerts sont prévus entre les deux tournées.

À l’automne 2000, Charles Aznavour sort «Aznavour 2000», douze nouvelles chansons douces-amères. A la même époque, il entame ce qui est annoncé comme une toute dernière tournée. Après la Suisse et la Belgique, la première parisienne a lieu le 24 octobre au Palais des Congrès devant une salle pleine. Il y chante jusqu’au 17 décembre et commence en 2001, une tournée dans l’Hexagone.

Après plus de cinquante ans de métier Charles Aznavour s’est imposé comme un maître de la chanson française et un artiste complet. Il a toujours le même plaisir de chanter. «J’ai en fait soixante-quatre ans de métier, dont cinquante d’écriture de chansons. J’ai toujours le même plaisir, plus peut-être encore qu’autrefois. D’ailleurs, si je ne chantais pas, qu’est-ce que je ferais à la maison? Pour moi, la retraite, ce serait mourir d’ennui. La scène est un plaisir physique incomparable.»

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