J-Y Cousteau
le Français le plus connu

Numéro 11, janvier 2004


Inventeur de la plongée autonome, Jacques-Yves Cousteau a révélé au monde entier la vie silencieuse et luxuriante des océans qu’il a sillonnés quarante ans durant. Membre de l’Académie française, auteur de dizaines de livres et de films — dont le Monde du silence, Palme d’or à Cannes en 1956 —, il était aussi un défenseur passionné de la planète et de l’écologie. Il s’est éteint le 25 juin 1997 à l’âge de quatre-vingt-sept ans.

Avant le commandant Cousteau, l’océan n’existait qu’en surface et ses profondeurs n’étaient qu’inconnu et menaces. Il était le Français le plus connu dans le monde et l’un des plus populaires en France. Grâce à ses inventions, son amour des mers et un sérieux sens des affaires, Jacques-Yves Cousteau a dévoilé pour des centaines de millions de terriens la symphonie colorée des animaux et des plantes qui peuplent le monde du silence, à travers de nombreux films et livres. L’homme au bonnet rouge avait aussi mis sa notoriété et ses liens avec des dirigeants de nombreux pays au service de l’écologie, pour protéger la Terre, les océans et les espèces vivantes des «folies meurtrières de notre temps».

Ses réussites, Cousteau les doit à une alchimie entre ses passions: les voyages, la mer et le cinéma. Né le 11 juin 1910 à Saint-André-de-Cubzac, près de Bordeaux, Jacques-Yves Cousteau découvre très tôt les voyages grâce à son père, avocat d’un milliardaire américain qui emmène la famille passer une année à New York lorsque Jacques-Yves a dix ans. Dès treize ans, il se passionne pour le cinéma amateur. Quant à la mer, il la découvre dans les calanques près de Marseille où sa famille s’est installée, puis à l’Ecole navale de Brest avant de sillonner les océans comme officier de marine sur la Jeanne-d’Arc, navire-école de la Marine nationale.

Tenté par l’aéronavale, il doit renoncer au pilotage après un grave accident de voiture en 1936. Pendant la Seconde Guerre mondiale Cousteau est en garnison à Toulon. Il occupe ses loisirs à filmer, sa caméra enfermée dans un bocal, les épaves de bateau et les magnifiques fonds marins d’une mer Méditerranée encore épargnée de la pollution.

Pour plonger, l’époque ne connaît que les lourds scaphandres reliés par un tuyau d’air à la surface - trop compliqué pour Cousteau, qui rêve d’un scaphandre autonome. Un rêve bientôt réalisé: en juin 1943, sur une petite plage de la côte d’Azur, Jacques-Yves Cousteau, muni de palmes en caoutchouc, endosse le nouveau scaphandre complètement autonome… Ce scaphandre est inspiré d’une découverte du commandant Yves le Prieur, pionnier de la plongée autonome. Cependant son appareil connaît un inconvénient: son débit d’air continu limite la durée de l’utilisation du scaphandre. La solution naît à Paris lorsque l’ingénieur Emile Gagnan invente un système de détendeur de voiture qui fournit l’exacte quantité de gaz correspondant à l’ouverture du volet du carburateur. Cousteau le modifie, l’adapte et en fait la pièce maîtresse du scaphandre autonome. Le brevet de l’«Aqua-Lung» (poumon aquatique en anglais), et les droits sur la fabrication de l’appareil par la société Aqualung ont mis les deux hommes à l’abri du besoin pour le reste de leurs vies.

Dès lors, Cousteau plonge et replonge à l’aide de son invention, filmant des épaves de la guerre pour la Marine ou des épaves antiques pour son plaisir d’archéologue amateur. Il atteint la profondeur record de 100 mètres en 1947, et se prend de passion pour l’océanographie. Son étonnante capacité à financer ses projets se révèle lorsqu’en 1950, lord Guinness, un mécène anglais, rachète à son intention un ancien dragueur de mines britannique. Transformé en navire océanographique, la Calypso (d’après la mythologie grecque, la nymphe qui emprisonna Ulysse pendant 10 ans sur l’île Gozo) deviendra le héros des aventures sur et sous les mers de Cousteau, désormais commandant.

Soucoupes plongeantes

Son équipe de plongeurs-cinéastes invente en tâtonnant les techniques du cinéma sous-marin. Révélant un univers de lumière et de couleurs peuplé de mérous, de baleines ou de morses, le film le Monde du silence que réalisent Cousteau et le cinéaste Louis Malle, remporte la Palme d’or au festival de Cannes en 1956 avant d’attirer plus de deux millions de spectateurs. Riche, célèbre, l’explorateur du monde sous-marin démissionne de la Marine avec le grade de capitaine de corvette et se consacre aux campagnes à bord de la Calypso.

Avec sa femme Simone, qu’il épouse en 1937, et leurs enfants Philippe et Jean-Michel, le commandant Cousteau accueille à son bord les scientifiques de tous horizons — géologues, géophysiciens, biologistes, zoologues, archéologues, écologistes — et explore chaque saison la mer Rouge ou le Saint-Laurent, l’Antarctique ou l’Amazonie. De ces périples naissent une cinquantaine de livres, deux encyclopédies, plusieurs films et surtout une centaine de documentaires que les télévisions de tous les pays s’arrachent. Ce que le grand public connaît de la vie des océans, c’est à la télévision de Cousteau qu’il le doit!

Pour filmer et travailler sous la mer, il construit de petites «soucoupes plongeantes», puis des maisons sous-marines. Dans Précontinent III, immergée par 110 mètres de fond au large du cap Ferrat, six «océanautes» travaillent plusieurs semaines en respirant un mélange d’hélium et d’hydrogène, s’épargnant les longues et contraignantes séances de décompression indispensables lors de la remontée. En revanche, son projet de sous-marin de conception révolutionnaire financé par la France, l’Argyronète, échoue en 1972. Cousteau n’est pas infaillible... Certains d’ailleurs critiquent son autoritarisme, ou l’exploitation commerciale des expéditions au détriment de la connaissance scientifique.

Pour Cousteau, l’écologie justifie son action. A force de parcourir les océans, l’explorateur a pris conscience des menaces que font courir les hommes sur les écosystèmes marins et la Terre entière. En 1960, il s’insurge contre l’immersion de déchets radioactifs en mer Méditerranée, que le général de Gaulle, alors président de la République, fait cesser. Il crée aux Etats-Unis en 1974, The Cousteau Society, puis en France la Fondation Cousteau (devenue Equipe Cousteau en 1992), pour promouvoir la sauvegarde de la planète et récolter des fonds pour ses coûteuses expéditions auprès des adhérents — 400 000 aujourd’hui.

Directeur du musée océanographique de Monaco, Cousteau a l’oreille des chefs d’Etat du monde entier. Intervenant plusieurs fois à la tribune de l’Organisation des nations unies, il parvient à faire de l’Antarctique une réserve protégée de toute exploitation. Elu à l’Académie française en 1988, il ne se décide toujours pas à la retraite: au Sommet de la Terre de Rio (Brésil) en 1992, il lance une pétition «pour les droits des générations futures», qui rassemblera plus de 5 millions de signatures.

Ironie des dates, la Calypso sombre dans le port de Singapour le 8 janvier 1996, jour de la mort de l’ancien président français François Mitterrand. Immédiatement Cousteau lance une souscription pour construire la Calypso II, qui devrait prendre la mer fin 1998 sous la direction de sa seconde femme, Francine. Sans l’attendre, l’infatigable explorateur des océans a rejoint pour toujours le monde du silence. Il a été enterré dans le caveau familial à Saint-André-de-Cubzac.





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