Louis de Funès

Numéro 9, mars 2003

“Faire le pitre devant les spectateurs me défoule.”

Carlos Louis De Funes de Galarza, d’origine espagnole, né le 31 juillet 1914 à Courbevoie, est issu d’une petite noblesse espagnole de Séville, son père est un juriste qui devient diamantaire pour pouvoir subvenir aux besoins de toute sa famille.

Vers 16-17 ans, Louis entre dans la vie active. Il apprend à tanner les peaux et trouve une place d’apprenti-fourreur qu’il ne gardera pas longtemps. Étalagiste, dessinateur industriel puis travaillant dans une maison de couture, il est polyvalent.

Réformé de l’armée par erreur, car l’administration militaire avait confondu deux dossiers (cela l’arrangeait pas mal), il passe la deuxième guerre mondiale dans les bars en tant que pianiste la nuit, et suit le Cours Simon la journée afin de pouvoir devenir comédien. C’est là qu’il fait la connaissance de Jeanne Barthélemy de Maupassant, descendante de Guy de Maupassant, qu’il épousera le 22 avril 1943. De cette union naîtront Patrick et Olivier.

Le Cours Simon lui fait rencontrer Daniel Gélin qui lui propose en 1945 un rôle dans le film La tentation de Barbizon. Ce sera son premier rôle en tant qu’acteur d’une longue et glorieuse série.

Ses débuts au cinéma sont difficiles. Il est confronté à deux attitudes : il se heurte tantôt à l’intransigeance de certains réalisateurs qui trouvent qu’il en fait trop, et commence dans le même temps à sortir de l’arrière plan de la caméra, grâce à des réalisateurs, qui tombent sous le charme de son professionnalisme et de son sens du détail poussé à l’extrême.

Dans une interview, Louis dépeint avec justesse le début de sa carrière : «Quand j’étais encore inconnu, j’essayais de colorer, par des détails, des mimiques, des gestes, les petits rôles qu’on me confiait. J’ai acquis ainsi un certain bagage comique sans lequel je ne pourrais pas faire la carrière que je mène. C’est pourquoi, si c’était à refaire, je recommencerais.»

La critique a commencé à écrire quelques lignes sur lui, à partir de son rôle remarqué dans le film de Claude Autant-Lara, La traversée de Paris (1956), où il joue un cynique boucher-charcutier qui s’adonne au marché noir. Cette première confrontation avec Bourvil et Gabin ne se passe pas si bien que cela. Louis agace Gabin qui trouve qu’il en fait trop, Bourvil, quant à lui, ne le juge pas. Entre les autres acteurs et Louis, cela ne s’est pas toujours bien passé. Fernandel l’ignorait presque, Jean Marais a même refusé d’en parler à Brigitte Kernel pour son livre “Louis de Funès”.

La traversee de Paris (1956)Par contre, c’est le grand amour avec Jacqueline Maillan qu’il titille un peu dans Ah, les belles bacchantes. Ils seront aussi partenaires dans Pouic-Pouic qui permet à Louis de monter définitivement en haut de l’affiche. C’est la même année en 1963 qu’il incarne un gendarme (Le gendarme de Saint-Tropez), personnage inventé par Richard Balducci. L’idée lui est venue en vacances à Saint-Tropez : cet assistant réalisateur a été victime d’un vol de caméra, il va porter plainte à la gendarmerie. Le gendarme de garde lui montre par la fenêtre l’auteur de son vol, et lui dit qu’ils n’ont jamais réussi à l’attraper. Cette situation fait penser à Richard Balducci, à l’arrivée dans la brigade d’un gendarme qui remet de l’ordre dans la brigade et multiplie les situations comiques.

Du quasi second rôle du premier épisode de Fantômas, Louis devient réellement la vedette, au détriment de Jean Marais, ce qui fera dire à ce dernier à la sortie du meilleur épisode des Fantômas, Fantômas contre Scotland Yard, que l’on avait plus qu’à changer le titre et l’intituler, Juve contre Scotland Yard.Fantomas (1964)

Une longue amitié lie Gérard Oury, Michèle Morgan, Jeanne et Louis de Funès. Gérard Oury signe avec Louis les plus grands succès de sa carrière. Louis sur les tournages de Gérard Oury se sent à l’aise et peut donner libre court à ses inventions comiques.

Louis de Funès adorait Bourvil. Il avouait que Bourvil le faisait beaucoup rire dans La Grande Vadrouille, beaucoup plus que son propre personnage. Ce film a été la plus grande réussite du cinéma français, inégalée jusqu’à présent. C’est un film sans vulgarité, sans histoires d’amour arrangées, sans hémoglobine ni rires enregistrés. C’est un film difficile néanmoins qui relate les aventures des deux héros qui sauvent de la mort deux jeunes sous-officiers de la Royal Air Force, dont l’avion a été abattu non au dessus de Calais, mais en plein Paris. C’est du grand Funès, c’est du grand Bourvil, c’est du grand Oury. La Grande Vadrouille détenait le record absolu des entrées en salle en France, avec plus de 17 millions de tickets vendus.

Le gendarme a New-YorkLouis de Funès a su déclencher les rires non seulement dans les salles de cinéma et devant les postes de télévision, mais il faisait rire aussi ses partenaires. Il a inventé beaucoup de trucs au cours des tournages. Par exemple la célèbre réplique «Regardez-moi là, là !» que de Funès utilisait presque dans tous les films avec Claude Gensac a apparu grâce à la myopie de cette dernière. Ne voulant pas porter des lunettes par coquetterie, elle avait beaucoup de mal à se repérer sur les tournages. Louis de Funès a exploité ce petit défaut et a pris l’habitude de jouer le jeu du «regardez-moi là!» avec elle. Par la suite, il a utilisé ce «truc» avec beaucoup de comédiens. Notamment dans la série des «Gendarmes» et les treize films qu’il a tournés avec Claude Gensac.

Parfois Louis poussait un peu loin le goût de la plaisanterie. Une des scènes du film Petit Baigneur montre Louis descendant d’un tracteur. Il saute pieds joints dans une mare et disparaît. Consciencieux à l’extrême, Louis est resté au fond de l’eau... en se pinçant le nez jusqu’à en perdre le souffle ! Tout le monde a fini par croire qu’il s’était noyé.

En 1975, le souffle de la France est coupé lorsque l’on apprend que Louis de Funès, a été hospitalisé, surmené, usé par son perfectionnisme et sa rigueur. Il doit prendre du repos, pourtant mérité, pendant plusieurs mois. Ragaillardi, il profite néanmoins de la quiétude du Château de Clermont, où il s’occupe de ses arbres fruitiers, et surtout de ses fleurs, dont l’une, sa rose, merveilleuse rose qu’il a créée.Les aventures de Rabbi Jacob (1973)

En 1977, il revient à l’affiche avec Claude Zidi, qui lui propose alors le premier rôle dans L’aile ou la cuisse, derrière Coluche qui le taquine durant le tournage, en lui demandant où était son ambulance. Sa carrière est désormais presque complète, il ne lui reste plus qu’à se diriger lui-même, ce sera chose faite en 1981, avec la sortie de L’avare, où il dirigera l’ensemble du film, des costumes, des décors et de l’adaptation au texte initial de Molière.

De l’ensemble de ses 138 films de Funès ne laisse pas insensible : ou on aime, ou on n’aime pas. Certains trouvent qu’il en fait trop, ou qu’il s’est enfermé dans un seul genre, le comique, à la différence des autres grands Français, Fernandel, Bourvil, Gabin. A ceux-là, il faut répondre, que c’est faux, Louis de Funès rêvait de tourner la vie de Louis XI, et l’on retrouve dans certains films une pointe d’émotion, de tragédie, de drame.

De Funès est pour beaucoup toujours le meilleur acteur comique français et il mérite cette reconnaissance. C’était un professionnel, quelqu’un pour qui le film suivant ne pouvait qu’être meilleur que celui qu’il venait de terminer, il n’avait pour ambition que de toujours mieux faire et de ne jamais déplaire à son public, de l’enfant de maternelle de Courbevoie, à la vieille dame de Clermont.

Il est mort le 27 janvier 1983, après avoir terminé l’histoire du septième épisode des “Gendarmes” qui aurait dû s’appeler «On a perdu le gendarme de Saint-Tropez dans le triangle des Bermudes.»

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