Les syndicats et le
syndicalisme

Numéro 11, janvier 2004


Nés en Angleterre du mouvement ouvrier généré par la révolution industrielle, les syndicats se développent rapidement à la fin du XIXe siècle dans tous les pays où progresse l’industrialisation. L’essor du syndicalisme en France date de 1884, l’année de l’abolition définitive de la loi Le Chapelier interdisant les associations professionnelles.

Le syndicalisme français, né de la double volonté des salariés de défendre leurs intérêts immédiats et de participer à la transformation de la société, plonge ses racines dans les deux courants, révolutionnaire et réformiste. De cette double origine témoigne encore aujourd’hui l’éclatement du paysage syndical français entre plusieurs grandes confédérations syndicales.

Du syndicalisme révolutionnaire, il tire ses slogans contestataires, son penchant pour la grève comme moyen d’expression du mécontentement des travailleurs, sa tentation du recours à l’«action directe». Du syndicalisme réformiste, le syndicalisme français tire une autre part de son originalité: la grande liberté de création des organisations et la liberté d’adhésion individuelle au syndicat ou de retrait individuel, sans que cette appartenance doive avoir la moindre incidence sur le droit au travail.

Les syndicats jouent un triple rôle: celui d’information sous forme de tracts et d’affichages, un rôle de négociation des accords préélectoraux avant les élections des délégués du personnel et des membres du comité d’entreprise, et, finalement, le dernier rôle de présence aux réunions du comité dans les entreprises de moins de 300 employés. Ainsi, on peut voir que les syndicats défendent les intérêts des salariés tout au long de l’année, présentent les revendications, assistent à l’entretien préalable, à une sanction disciplinaire et surtout: les syndicats s’occupent tous les ans de la négociation d’entreprise

Les syndicats en chiffres

Environ 2 millions de personnes sont actuellement syndiquées en France, ce qui, en pourcentage, constitue le chiffre le plus faible de l’Union européenne. Il faut dire que le taux de syndicalisation des Français n’a cessé de diminuer depuis le milieu des années 70. Il était encore de plus de 23% en 1973 et aujourd’hui, ce taux est d’environ 8%.

Ce sont les entreprises de 50 à 100 salariés qui comptent le plus grand nombre de syndiqués (environ 10%) et les entreprises de 10 à 40 salariés qui en comptent le moins (5%). Cependant, le poids et l’influence des syndicats dans la vie politique et sociale du pays sont beaucoup plus importants que puisse le laisser croire le petit nombre de leurs adhérents. Lors d’un conflit ou d’une crise, bon nombre de travailleurs suivent les mots d’ordre syndicaux (une grève par exemple), sans pour autant être membres d’un syndicat.

Les types de syndicats

On peut distinguer trois types de syndicats:

-> les syndicats ouvriers, dont les quatre principaux sont: la CGT (Confédération générale du travail), la CFDT (Confédération française démocratique du travail), la CFTC (Confédération française des travailleurs chrétiens) et la F.O. (Force ouvrière);

-> les syndicats de cadres, dont la CFE-CGC (Confédération française de l’encadrement – Confédération générale des cadres);

-> les syndicats professionnels, dont la FEN (Fédération de l’éducation nationale), la FSU (Fédération syndicale unitaire de l’enseignement, de l’éducation, de la recherche et de la culture).

Chaque syndicat comprend des adhérents (personnes qui paient régulièrement leur cotisation annuelle) et des militants (délégués et représentants syndicaux, délégués du personnel, délégués aux comités d’entreprises, élus dans la fonction publique, etc.).

Mode d’emploi

Les organisations syndicales sont les seules à pouvoir conclure une convention ou un accord collectif au travail. Salariés du public ou du privé, tous peuvent adhérer librement au syndicat de leur choix, sans que l’employeur ne puisse s’y opposer de quelque manière que ce soit.

Les syndicats s’accordent à dire que leur première mission est de défendre les droits de tous les salariés: emploi, salaire, conditions de travail, protection sociale, égalité professionnelle, respect de la dignité de chacun...

Ainsi l’application de la loi sur les 35 heures sert-elle un bon exemple de l’importance du rôle joué par les syndicats. En 1998 Martine Aubry, Ministre de l’Emploi et de la Solidarité, a instauré la réduction du temps de travail (couramment appelée l’ARTT), passant de 39 à 35 heures. Comme le prévoit le droit du travail, les syndicats ont signé des accords avec les entreprises.

Selon cette loi le temps de travail effectif c’est «le temps pendant lequel le salarié est à disposition de l’employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles». Tout salarié doit bénéficier d’un repos quotidien d’au moins 11 heures consécutives. Et, finalement, aucun temps de travail ne pourra atteindre 6 heures sans qu’une pause d’au moins 30 minutes ne soit octroyée au salarié.

Pourtant cette loi a provoqué une grande polémique sur son sujet. Il suffit de citer le porte-parole du gouvernement qui a déclaré récemment: «La loi Aubry a été appliquée de manière impérative, obligatoire, contraignante. Notre objectif est de réintroduire le libre choix, que les salariés, ceux qui veulent travailler plus pour gagner plus, puissent le faire.»

Le tournant du syndicalisme

Depuis les années 1970, parallèlement au renforcement du statut institutionnel des syndicats, le syndicalisme est en proie à une crise sérieuse, liée à la dépression économique de 1975, qui met en question son devenir. Loin de renforcer les luttes syndicales, la croissance du chômage, l’inflation et le spectre de l’insécurité ont ainsi un effet démobilisateur sur les travailleurs.

Le plus grand problème aujourd’hui est que les syndicats sont utilisés comme les «pompiers du social». On ne les sollicite qu’en cas d’accident dans les entreprises.

Une autre source de scepticisme à l’égard du syndicalisme contemporain est l’analyse des conditions internes de fonctionnement des syndicats. Les leaders syndicaux sont assimilables à des «dirigeants d’une entreprise non contrôlés». Les syndiqués n’ont pas vraiment le moyen de contrôler l’action des leaders. Ceux-ci sont également davantage tournés vers le «marché politique» où ils obtiennent pouvoir et privilèges, que vers le marché du travail où ils se heurtent aux réalités économiques. Voilà pourquoi le rôle des syndicats est de plus en plus mal perçu dans l’opinion publique occidentale, et les privilèges syndicaux de plus en plus mal supportés.

Les syndicats doivent tenir leur rôle sans empiéter sur des domaines qui ne leur sont pas familiers. Ainsi, il ne faudrait pas qu’ils s’occupent du social de l’entreprise, ce qui est plutôt de la compétence de l’encadrement.

Néanmoins, qu’ils soient une contrainte ou une nécessité, les syndicats ont un rôle qui est en train de changer. Ils prennent lentement le chemin de la médiation entre le patronat et les salariés, ce qui est une révolution dans le monde syndicaliste.





Сайт создан в системе uCoz